8.7.19

João Gilberto




J’ai longtemps hésité à poster cette photo. J’y reviendrai à la fin de ce billet.
Samedi dernier, João Gilberto est mort à l’âge de 88 ans. Des journalistes en avaient fait une légende : c’était, disaient-ils, l’inventeur de la bossa nova. João Gilberto était un personnage secret. Non seulement le marketing en avait fait une légende, mais sa mise à distance du monde, son refus ces dernières années d’être interviewé, ses extrêmes exigences concernant ses rares prestations scéniques, tout cela facilitait la mise sur le marché d’autres légendes. Un auteur allemand, Marc Fischer, avait tenté de le rencontrer, avait publié le récit de ses tentatives, après quoi il s’était suicidé. Je livre ces quelques traits de mémoire, je n’ai guère envie de vérifier. Quoi qu’il en soit, sa musique survivra probablement quelques décennies à sa disparition, comme elle a survécu quelques décennies à sa mise en retrait de la société.
Ceux qui suivent ce blog depuis longtemps savent que j’ai vécu assez longtemps au Brésil. Onze ans. Mon épouse est brésilienne et, grâce à elle, j’ai rencontré et bavardé un peu avec nombre de musiciens brésiliens, certains mondialement connus, d’autres moins.
La musique de João Gilberto, comme celle de Gil, Caetano ou Chico ont joué un rôle non négligeable dans ma destinée. Au même titre que les livres de Jorge Amado et Guimarães Rosa, par exemple. Sans eux, je n’aurais peut-être pas mis les pieds une première fois au Brésil. C’était en 1982. Je m’y suis marié en 2005.
Je n’ai jamais rencontré, vous vous en doutiez, João Gilberto. Né à Juazeiro, dans l’État voisin de Bahia, il avait de la famille à Vitória, une sœur notamment. Et sa nièce qui me gratifie d’un joli sourire sur cette photo. Pour moi, ce sourire signifie bien plus qu’un sourire qui m’était adressé. C’est le sourire du Brésil, un Brésil bien différent du Brésil actuel. En 2004, c’était le Brésil de Lula. Un Brésil souriant, voire heureux. Bien sûr, la misère et les inégalités n’avaient pas disparu, mais le bonheur n’est-il pas un concept tout relatif ? C’était aussi une époque où l’on n’entendait rarement des propos racistes, homophobes, misogynes. Nous savons maintenant, grâce à l’élection de Bolsonaro, qu’une majorité de Brésiliens taisaient alors leurs opinions. L’élection de Bolsonaro, c’est le retour du refoulé.
C’est une photo personnelle, voilà pourquoi j’ai hésité à la publier. Je l’ai recadrée à la demande de mon épouse. Je n’ai pas demandé l’avis de la nièce de João Gilberto et des autres personnes dans le cadre, mais je ne crois pas qu’elles seront chagrinées de se voir ici, si par le plus grand des hasards elles s’y reconnaissaient.
Qu’écouter de João Gilberto ? Tout ce qu’il a enregistré, ce qui quantitativement est plutôt restreint. Plutôt que l’album archi-connu, enregistré avec Stan Getz, je vous propose l’interprétation d’une chanson des années 40, composée par Herivelto Martins, un classique de la musique populaire brésilienne : Izaura.


3 commentaires:

  1. Elle est belle cette photo en raison de ces sourires et de ces étonnements qui s'y révèlent. J'y pense tous les jours à joao Gilberto, car une des ses chansons ouvre notre spectacle... merci pour ce lien avec cette si délicate interprétation

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    1. Merci Arnaud. Puis-je savoir quelle est la chanson qui ouvre le spectacle ?

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  2. this is a lovely photo and personal note. its nice to know your story. i do love bossa nova and am sorry to hear we lost another great one...

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