Laissez-vous rêver

Pourquoi "publier" ou "exposer" une photo ? Telle photo plutôt que telle autre ? Je me pose souvent ces questions. C'est grâce à Flickr que j'ai vendu mes premières photos, alors que je n'avais jamais imaginé en faire une activité professionnelle. En quelque sorte, cela justifiait ma présence sur le web.
Je me fiche du nombre de mes "followers". J'apprécie de créer avec quelques uns une sorte de compagnonnage. Je me rappelle de mon grand-père ébéniste et compagnon du tour de France. Ces compagnonnages n'ont pourtant rien à voir, hormis une proximité lexicale. On peut admirer une hélice en bois destinée à un dirigeable magnifiquement tournée par Ernest. Elle se trouve dans la Saline royale d'Arc-et-Senans. Anarchiste, Ernest s'amuserait de cette présence en un tel écrin royal. Rien de tel ne me survivra.
J'ai rencontré quelques uns de mes compagnons photographes. On peut les compter sur les doigts d'une main. Malgré cela, eux et moi n'interprétons pas toujours de la même façon les photos que nous partageons. C'est le cas de la photo ci-dessus. Je l'ai prise parce que j'ai trouvé le moment amusant, cet homme dormant et peut-être rêvant devant le slogan mis en avant sur la fenêtre de ce TGV fonçant entre Avignon et Nice. Un de mes compagnons - le mot "compagnon" a quand même plus de gueule que le terme de "follower" - y a vu, au-delà, de la confrontation entre le slogan et l'attitude du personnage au premier plan une critique de la mal-bouffe et je crois qu'il a tout à fait raison.
Ce personnage ne sait pas que je l'ai photographié. Encore moins qu'il apparaît sur ce blog. Ai-je le droit de le montrer ? C'est tout le paradoxe des photographies de rue et d'espace public qui veut que la valeur de la prise de vue exige que les personnages saisis sur le vif ne savent généralement pas qu'ils le sont.

La SNCF ? Rattle That Lock par David Gilmour.